Il faut croire qu'Orson Welles était prédestiné dès son plus jeune âge à une carrière exceptionnelle : il sait lire dès l'âge de deux ans, pratique le piano l'année suivante et est déjà un grand connaisseur de l'oeuvre de William Shakespeare avant ses dix ans. À vrai dire, le jeune Orson a grandit dans une famille portée sur l'ouverture d'esprit : le père était passionné par les voyages et un baroudeur né tandis que la mère était pianiste. Lorsqu'il passe son enfance à Chicago, Orson explore son talent artistique via le théâtre, s'enchante à se mettre en scène et va jusqu'à rencontrer Harry Oudini et ainsi initier sa passion pour la prestidigitation. Mais sa joie innocente est ternie le jour où il apprend la disparition de sa mère à ses quatorze ans, suivi quelques années plus tard par celle de son père.
Après un passage de trois années au Gate Theatre à Dublin, Orson Welles projette de conquérir les théâtres londoniens dans l'espoir de vivre de sa passion. Mais les temps sont durs en Europe comme aux Etats-Unis qui ne vont pas lui apporter plus de soutien face à la crise financière, époque oblige. Et un jour, il décide de passer du côté du cinéma avec un premier court-métrage (The Hearts of Age) où il ne cache pas sa fascination pour les travaux de Jean Cocteau. Néanmoins, ce n'est pas encore le déclic.
Et puis, il y a la radio. L'avantage de se mettre en scène depuis son plus jeune âge est la capacité à développer une voix marquante et charismatique. Avec son talent d'orateur, Orson conte les œuvres littéraires, sa plus belle prestation étant La Guerre des Mondes qui aurait effrayée une bonne partie des américains, persuadés qu'une invasion extra-terrestre allait se produire. Hollywood s'interroge alors sur l'identité de ce trublion des ondes.
22 juin 1939. Orson Welles débarque à Los Angeles. Conscient de sa chance, Orson Welles voit les choses en grand en voulant adapter Au cœur des ténèbres de Conrad, mais la RKO refuse. Son scénariste, Herman Mankiewicz (le frère de Joseph), lui concocte un scénario : Citizen Kane. À sa sortie, mouvementée en raison de conflits avec la RKO, la critique est unanime : Orson Welles vient de révolutionner le septième art.
Connu pour son tempérament de feu, Orson Welles met autant de cœur dans ses prochains projets que dans son combat contre la RKO pour légitimer ses propositions artistiques et son statut de « carte blanche ». Le succès montant, il enchaîne les œuvres marquantes, du Criminel à la Dame de Shangai avant de faire un tour en Europe pour mettre en scène Le Troisième Homme où il exprime pleinement sa créativité. Si les Etats-Unis recommencent à lui faire les yeux doux, et qu'il accepte finalement de tourner La Soif du Mal (et son plan-séquence culte), l'Europe restera sa terre de prédilection pour terminer sa carrière, l'une des plus prolifiques de l'histoire du septième art. Véritable synthèse de son art, Vérités et mensonges passe pour son testament. Figure immortelle, un film a été retrouvé et restauré il y a quelques années : De l'autre côté du vent, l'histoire d'un cinéaste qui tente tant bien que mal de faire son grand retour.
